Jeudi 28 mai j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer l’artiste Guillaume Pilet dans son atelier à la Route de Gollion 15 à Penthalaz et de l’interroger sur son travail, le tout dans une ambiance détendue et informelle. Artiste éclectique, Guillaume a su faire de sa passion son travail, dont le but est d’éveiller des intuitions aux spectateurs. Son atelier et son art sont riches d’œuvres qui vont de la sculpture à la peinture en passant par des installations, des photos et des vidéos, sans oublier les performances.
Sous forme d’entretien, voici un bref aperçu de ma rencontre avec Guillaume Pilet, au cours d’une journée ensoleillée qui a su dévoiler les aspects les plus intéressants de cet artiste suisse.
Y-a-t-il un courant artistique, un style, dans lequel tu t’inscris?
Non, je n’aime pas trop les inscriptions, mais je sais de qui je suis un peu l’héritier : je me sens assez suisse comme artiste. J’ai un héritage de l’abstraction géométrique d’un côté dadaïste et je me sens assez proche de pas mal d’artistes suisses, ceux qui ont été mes professeurs qui sont mes amis.
Quel est le médium que tu préfères?
La peinture est vraiment au centre de ma pratique depuis longtemps ; pour moi cela reste le moyen le plus radical de créer, qui se résume très simplement à animer une surface plane. Un geste très simple mais qu’on renouvelle à chaque fois. Dans le rapport à l’installation ou la performance il y a vraiment l’idée d’une peinture qui soit aussi étendue à l’espace, à l’architecture, au mouvement et qui éclate un peu les frontières du médium lui-même. A chaque fois que je me dis que je suis peintre, après j’ai envie de faire de la céramique, et je me dis que je suis vraiment céramiste ; et là je me lance dans un projet de film, après j’ai envie de faire de la photo… J’ai des envies et des intérêts que se renouvellent régulièrement, peut-être trop souvent d’ailleurs.
Cette année quel est ton nouveau projet pour les Swiss Art Awards?
Dans ces trois dernières années j’ai travaillé exclusivement autour de la figure du singe. Depuis le printemps de l’année dernière, j’ai commencé à me distancer et à reprendre la pratique que j’avais avant, même si les deux sont au final la même. Là, je suis dans une forme de renouveau qui me convient très bien. Dans le cadre des Swiss Art Awards, je vais déployer une installation assez complète qui va montrer des céramiques et des peintures, un peu de performance et un dispositif de démonstration qui va créer des sortes d’alcôves pour séparer tout ça. J’aime l’idée d’avoir mon espace d’exposition autonome.
Ta démarche a-t-elle évolué aux cours de ces dernières années?
Çela a évolué dans des formes qui se précisent et le format est plus ambitieux. On retrouve des références à l’art et à la culture populaires, à l’histoire de l’art qui peuvent aller de l’art optique à l’art primitif avec des incursions qui sont à la limite de l’art brut. L’idée est celle d’une production artistique qui soit débridée et qui joue avec la notion de ce qu’est la création. C’est donc une remise en question des processus créatifs et de comment on montre les choses au final dans l’espace.
Est-ce que tu t’attends une réaction spécifique de la part du public aux Swiss Art Awards?
En général les gens sont assez intrigués par la manière dont des œuvres qui peuvent être peu composites sont unifiées dans le dispositif d’exposition. C’est quelque chose d’assez attirant et qui parfois va presque à la limite du mauvais goût, mais qui est quand-même géré avec des critères qui sont hérités du modernisme. Dans les formes et dans les références ce sont des choses qui appartiennent à l’imaginaire collectif mais qui pour moi viennent quand-même de la culture savante de l’histoire de l’art classique du XXème siècle. Les gens ont souvent une sorte de sensation de déjà-vu qu’ils ne peuvent pas toujours directement identifier ou nommer mais qui leur rappelle quelque chose et j’aime beaucoup ce sentiment là.
Y-a-t-il un message derrière tes œuvres ?
Je dirais quelque chose de décomplexant par rapport à la création en elle même, dans l’idée que c’est à la portée de de tout le monde. Pour moi le fait de créer est déjà un message, je fais ça et pas autre chose et donc cela est déjà un message manifeste de ce qui peut aujourd’hui être de l’art. Je n’ai pas du tout envie de coller un message qui puisse paraître péremptoire ou autoritaire mais plutôt d’éveiller des intuitions et faire que le discours se forme dans l’esprit de la personne qui va regarder cela.
Texte: Emanuela Negrini
Publié dans le cadre du cours Tour de Suisse. L’art et ses institutions en Suisse, une collaboration entre l’Institut d’histoire de l’art de l’Université de Zurich et du Domaine d’Histoire de l’art de l’Université de Fribourg, avec le soutien de la Fondation Boner pour l’art et la culture.
Artikel auf Swiss Art Awards Journal